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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/466

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Si l’on avoit tenté ce dangereux éclat,
Le coup qui le peut suivre entraîneroit l’état.

La Duchesse.

Quoique votre personne à la reine soit chere,
Gardez, en la bravant, d’augmenter sa colere,
Elle veut vous parler ; &, si vous l’irritez,
Je ne vous répons pas de toutes ses bontés.
C’est pour vous avertir de ce qu’il vous faut craindre,
Qu’à ce triste entretien j’ai voulu me contraindre.
Du trouble de mes sens mon devoir alarmé,
Me défend de revoir ce que j’ai trop aimé ;
Mais, m’étant fait déjà l’effort le plus funeste,
Pour conserver vos jours, je dois faire le reste,
Et ne permettre pas…

Le Comte.

Et ne permettre pas…Ah ! Pour les conserver
Il étoit un moyen plus facile à trouver.
C’étoit en m’épargnant l’effroyable supplice
Où vous prévoyiez… Ciel ! Quelle est votre injustice !
Vous redoutez ma perte, & ne la craigniez pas,
Quand vous avez signé l’arrêt de mon trépas.
Cet amour, où mon cœur tout entier s’abandonne…

La Duchesse.

Comte, n’y pensez plus, ma gloire vous l’ordonne.
Le refus d’un hymen par la reine arrêté
Eût de notre secret trahi la sûreté.
L’orage est violent, pour calmer sa furie,
Contraignez ce grand cœur, c’est moi qui vous en prie.
Et quand le mien pour vous soupire encor tout bas,
Souvenez-vous de moi, mais ne me voyez pas.
Un panchant si flatteur… Adieu, je m’embarrasse,
Et Cécile qui vient me fait quitter la place.