Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Cécile.

Qu’a-t-il répondu ?Lui ? Qu’il n’avoit rien à dire,
Que pour toute défense il nous devoit suffire
De voir ses grands exploits pour lui s’intéresser,
Et que sur ces Témoins on pouvoit prononcer.

Élisabeth.

Quel orgueil ! Quoi, tout prêt à voir lancer la foudre,
Au moindre repentir il ne peut se résoudre ?
Soumis à ma vengeance il brave mon pouvoir ?
Il ose…

Cécile.

Il ose…Sa fierté ne se peut concevoir.
On eût dit, à le voir plein de sa propre estime,
Que ses juges étoient coupables de son crime,
Et qu’ils craignoient de lui dans ce pas hazardeux
Ce qu’il avoit l’orgueil de ne pas craindre d’eux.

Élisabeth.

Cependant il faudra que cet orgueil s’abaisse.
Il voit, il voit l’état où son crime le laisse.
Le plus ferme s’ébranle après l’arrêt donné.

Cécile.

Un coup si rigoureux ne l’a point étonné.
Comme alors on conserve une inutile audace,
J’ai voulu le réduire à vous demander grace.
Que ne m’a-t-il point dit ? J’en rougis & me tais.

Élisabeth.

Ah ! Quoiqu’il la demande, il ne l’aura jamais,
De moi tantôt, sans peine, il l’auroit obtenue.
J’étois encor pour lui de bonté prévenue,
Je voyois à regret qu’il voulût me forcer
À souhaiter l’Arrêt qu’on vient de prononcer ;
Mon bras, lent à punir, suspendoit la tempête ;
Il me pousse à l’éclat, il payra de sa tête.
Donnez bien ordre à tout ; pour empêcher sa mort,
Le Peuple qui la craint peut faire quelque effort,
Il s’en est fait aimer, prévenez ces alarmes ;
Dans les lieux les moins sûrs faites prendre les armes.