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ACTE IV



Scène I.

LE COMTE D’ESSEX, TILNEY.
Le Comte.

Je dois beaucoup, sans doute, au souci qui t’amene ;
Mais enfin tu pouvois t’épargner cette peine.
Si l’arrêt qui me perd te semble à redouter,
J’aime mieux le souffrir que de le mériter.

Tilney.

De cette fermeté souffrez que je vous blâme.
Quoique la mort jamais n’ébranle une grande ame,
Quand il nous la faut voir par des arrêts sanglans,
Dans son triste appareil approcher à pas lents…

Le Comte.

Je ne le cele point, je croyois que la reine
À me sacrifier dût avoir quelque peine.
Entrant dans le palais, sans peur d’être arrêté,
J’en faisois pour ma vie un lieu de sûreté.
Non, qu’enfin, si mon sang a tant de quoi lui plaire,
Je voie avec regret qu’on l’ose satisfaire ;
Mais pour verser ce sang tant de fois répandu,
Peut-être un échafaud ne m’étoit-il pas dû.
Pour elle il fut le prix de plus d’une victoire,
Elle veut l’oublier, j’ai regret à sa gloire,
J’ai regret qu’aveuglée elle attire sur soi
La honte qu’elle croit faire tomber sur moi.
Le ciel m’en est témoin, jamais sujet fidéle
N’eut pour sa souveraine un cœur si plein de zéle.