Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/539

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Elle a souffert ses soins, l’a toujours écouté.

Roger.

Moi, prendre aucun soupçon de sa fidélité ?
Après ce qu’elle a fait, ce qu’elle fait encore,
Constante, généreuse, il faut que je l’adore ;
Toujours également sa flamme se soutient,
L’absence ni les temps…

Marphise.

L’absence ni les temps…Je l’aperçois qui vient,
Parlez-lui ; mais songez qu’en cédant la victoire,
Elle s’assure un trône, & tremblez pour sa gloire.



Scène II.

BRADAMANTE, ROGER.
Bradamante.

Que vous disoit Marphise ? Elle semble douter
Qu’à l’éclat des grandeurs je veuille résister.
Le Trône où de Léon l’hymen peut me conduire,
En faveur de sa flamme a dequoi me séduire ?
À défendre vos droits je puis manquer de cœur,
Trahir votre tendresse, & souffrir un vainqueur ?

Roger.

Pardonnez-lui, Madame, un soupçon téméraire.
C’est une sœur sensible aux intérêts d’un frere.
Elle sait, connoissant l’excès de mon amour,
Qu’il faut si je vous perds, que je perde le jour.
Abandonnez Roger, je renonce à la vie.

Bradamante.

Je ne combattrois pas si j’avois cette envie.
Ce fut pour vous garder & mon cœur & ma main,
Que d’un fameux défi je formai le dessein ;
Du titre d’infidele il m’épargne la honte.
Combattant, je crains peu que Léon me surmonte.