Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 5, 1748.djvu/577

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Aimon à mon amour se rendroit favorable ?

Bradamante.

D’un pareil changement mon pere est incapable.
Léon m’eût mise au trône ; il ne pourra souffrir
Qu’à moins d’une couronne on puisse m’acquérir.

Marphise.

Aussi, lorsqu’il consent qu’à Roger on vous donne,
C’est parce que Roger obtient une couronne.

Roger.

Que dites-vous, ma sœur ?

Marphise.

Que dites-vous, ma sœur ?Qu’un grand peuple par moi
Vous jure un plein hommage, & que vous étes roi.

Bradamante.

Roger auroit acquis la grandeur souveraine ?

Marphise.

Il n’est rien de si haut où la vertu ne mene.
Quand contre Constantin, par de si prompts effets,
Sa valeur rétablit les Bulgares défaits,
Un des siens arrêté leur ayant fait connoître,
Avecque son vrai nom, quels lieux l’avoient vû naître,
Ces Peuples, dont son bras avoit calmé l’effroi,
Pour réparer par lui la perte de leur roi,
Charmés du souvenir de sa guerriere audace,
Sont venus le chercher, & l’ont mis en sa place.

Bradamante.

Par ce choix glorieux il vous doit être doux,
Que d’un bonheur parfait…

Roger.

Que d’un bonheur parfait…Je n’en connois qu’en vous,
Et s’il est vrai qu’Aimon dans mes vœux me seconde,
Madame, j’aurai plus que l’empire du monde.
Mais ma sœur, vous croirai-je, & puis-je ajouter foi…