Page:TMI - Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, vol. 1, 1947.djvu/274

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En théorie, les travailleurs étaient payés, logés et nourris par le Front du Travail ; ils avaient même le droit d’envoyer du courrier et des colis dans leur pays et d’y transférer leurs économies, mais la plus grande partie de leur paye était absorbée par des prélèvements. Les camps dans lesquels ils étaient logés étaient insalubres et la nourriture était très souvent au-dessous du minimum nécessaire pour leur permettre de remplir leurs tâches. Les fermiers allemands qui employaient des Polonais avaient le droit de leur infliger des châtiments corporels et ils avaient reçu l’ordre de les loger, autant que possible, dans les écuries et non pas dans leur maison. Tous les travailleurs étaient soumis au contrôle incessant de la Gestapo et de SS et, s’ils essayaient de quitter leur travail, ils étaient envoyés dans des camps de redressement ou de concentration. Ces derniers contribuèrent également à augmenter le chiffre de la main-d’œuvre. Il fut ordonné aux commandants de ces camps de faire travailler leurs prisonniers jusqu’à la limite de leurs forces physiques. À la fin de la guerre, les camps de concentration effectuaient certaines catégories de travaux avec un tel rendement, que la Gestapo reçut l’instruction d’en grossir les effectifs, en y internant des ouvriers susceptibles d’être utilisés à ces tâches. Les prisonniers de guerre alliés furent aussi considérés comme une source possible de main-d’œuvre. Une pression fut exercée sur des sous-officiers pour les forcer à accepter de travailler ; on transféra dans des camps disciplinaires ceux qui n’y consentaient pas. Beaucoup de prisonniers furent employés à des travaux en rapport direct avec les opérations militaires : violation évidente de l’article 31 de la Convention de Genève. Ils durent travailler dans des usines de munitions, charger des avions de bombardement, transporter des munitions et creuser des tranchées, souvent dans des conditions très périlleuses. Ce fut surtout le cas pour les prisonniers de guerre soviétiques. À une réunion du Bureau central d’Études, tenue le 16 février 1943, en présence de Sauckel et de Speer, Milch déclara :

« Nous avons formulé une demande pour qu’un certain pourcentage d’hommes employés dans l’artillerie anti-aérienne soit constitué de Russes ; en tout, on en prendra cinquante mille ; trente mille sont déjà employés comme canonniers. C’est une chose amusante que les Russes soient obligés de servir des canons. »

De même à Posen, le 4 octobre 1943, Himmler déclara, au sujet des prisonniers russes capturés les premiers jours de la guerre :

« À ce moment-là, cette masse humaine n’avait pas, à nos yeux, comme matière première et comme main-d’œuvre, la valeur que nous lui accordons aujourd’hui, et le fait que des dizaines et des centaines de milliers de prisonniers soient morts d’épuisement et de faim est à déplorer, non pas au point de vue racial, mais à cause de la perte de main-d’œuvre subie. »