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la Compagnie des habitants et au privilège de la traite, il était réservé aux Jésuites de traiter. M. Sulte reconnaît, il faut le dire, l’existence de cette disposition, dans des termes convenables : « Par exception, dit-il, fut permis aux pères jésuites de trafiquer, comme d’habitude, sur une échelle assez restreinte, pour leur aider à subsister. »

Le fait est qu’en cela, les Jésuites étaient soumis et obéissaient à un droit beaucoup plus étroit que tous les autres, celui de la discipline ecclésiastique. L’Église est plus jalouse de la dignité de ses ministres que les ennemis des prêtres ne sont ardents à les attaquer.

L’injustice contre les religieux et les religieuses est telle que, naguère encore, on a prétendu que les communautés d’hospitalières, par leurs chartes, ont bien le droit de loger, de vêtir, de chauffer et de nourrir les pauvres et les infirmes ; mais qu’elles n’ont le droit d’exercer aucune industrie profitable, si permise qu’elle soit à tout le monde, pour s’en procurer les moyens. Elles ont le droit de vivre avec leurs pauvres, mais elles n’ont pas le droit de gagner leur vie et celle des malheureux qu’elles recueillent ! Ô profondeurs de la sottise et de la vilenie humaines !


II


Le chapitre x du troisième volume du livre de M. Sulte se rapporte à la période historique écoulée entre l’année 1625 et l’année 1657, et porte pour titre les mots :

« On demande un clergé national. »

Si ce titre peut avoir une signification, cela ne peut vouloir dire autre chose que ceci : M. Sulte, se donnant comme interprète des demandes des Canadiens de l’époque, affirme qu’ils réclamaient d’être desservis par des prêtres nés ou du moins ordonnés dans le pays. Or, au commencement (1625) de cette période, il n’y avait pas, dans tout le Canada, un seul individu de race européenne, né au pays, âgé de plus de sept ans. Le premier Canadien qui se soit voué à l’état ecclésiastique ne vit le jour que juste au milieu de cette période, en 1642. Les deux seules personnes qui aient vécu en Canada de 1625 à 1657, et qui aient eu la vocation de se faire prêtres, à part quelques enfants encore en bas âge, ont été ; le premier, M. de Lauson Charny, alors marié et lieutenant du gouverneur, qui, après la mort de sa femme, arrivée en 1656, se fit prêtre et revint au pays, en 1659, avec Mgr de Laval, dont il fut plus tard grand-vicaire ; le second, M. Morin, âgé de quinze ans, en 1657, qui faisait alors ses études au collège des Jésuites et fut ordonné en 1665. De plus, il y avait une autre excellente raison pour ne pas avoir d’ordinations, c’est qu’il n’y avait pas, avant 1659, en Canada, d’évêque