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Page:Tachard - Voyage de Siam, des Pères jésuites, 1686.djvu/76

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VOYAGE

cent, & cette opinion me paroît plus plauſible & plus conforme à la vérité, que le Goëmon vient des côtes voiſines & qu’il en eſt détaché par les vagues & tranſporté en haute Mer, mais non pas fort loin des terres, ou par les Marées ou par les courans, ou enfin par les vents qui regnent. C’eſt ſur cette perſuaſion que Chriſtophe Colomb ſi fameux par ſes découvertes dans l’Amérique, voyant une nuit devant son Vaiſſeau une grande étenduë de Mer couverte de Goëmon, raſſura ſes gens, qui croyoient être perdus, prenant cette herbe pour des bas-fonds[1], & leur promit de leur faire voir la terre bien-tôt ; ce qu’il fit en effet deux jours aprés.

Les Reconnoiſſances du Cap de bonne Eſperance.

Ces Oyſeaux extraordinaires, ces Trompes & ce Goëmon, ſont les plus ſûres marques qu’on approche du Cap. Ce qui fait voir qu’on a des reconnoiſſances d’aſſez loin, puis que la prémiére fois que nous en vîmes, nous eſtions au dix-neuviéme dégré de longitude, & au trente-troiſiéme de latitude auſtrale, c’eſt à dire que nous eſtions éloignez du Cap de Bonne Eſpérance de prés de 300. lieuës.

On dit que ſi au lieu de ranger[2] la Côte d’Afrique comme nous fîmes, nous

  1. Les Bas-fonds ſont des Terres en pleine Mer dont la ſuperficie eſt couverte d’eau.
  2. Ranger en terme de Marine ſignifie approcher.
avions