Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/156

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temps. Tout ne fut pas mieux autrefois ; notre siècle aussi a produit des vertus et des talents dignes d’être un jour proposé pour modèles. Puisse durer toujours cette rivalité glorieuse avec nos ancêtres !

Drusus tribun du peuple

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Tibère, après avoir fait applaudir sa modération en arrêtant les dénonciateurs prêts à tomber sur leur proie, écrivit au sénat une lettre où il demandait pour Drusus la puissance tribunitienne. C’est le titre qu’avait attaché au rang suprême la politique d’Auguste, qui, sans prendre le nom de roi ni de dictateur en voulait un cependant par lequel il dominât tous les autres pouvoirs. Auguste partagea d’abord cette dignité avec M. Agrippa, et, ce dernier étant mort, il y associa Tibère, afin qu’il ne restât sur son successeur aucune incertitude. Il croyait ainsi contenir des ambitions perverses, et il se reposait sur la fidélité de Tibère et sur sa propre grandeur. À son exemple, le prince approchait alors Drusus du trône impérial, après avoir, pendant la vie de Germanicus, tenu son choix indécis entre les deux frères. Il commençait sa lettre par prier les dieux de faire tourner ses desseins à la prospérité de la république ; ensuite il parlait modestement et sans exagération des qualités de son fils, ajoutant "qu’il avait une femme, trois enfants, et l’âge où lui-même fut appelé par Auguste à ces hautes fonctions ; que cette élévation d’ailleurs n’était point prématurée ; que Drusus, éprouvé par huit ans de travaux, ayant réprimé des séditions, terminé des guerres, mérité un triomphe et deux consulats, partagerait des soins qui lui étaient connus."

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Les sénateurs s’attendaient à cette demande ; aussi l’adulation avait-elle étudié son langage. Elle n’imagina pourtant rien de plus que les honneurs accoutumés, des statues aux deux princes, des autels aux dieux, des temples, des arcs de triomphe. Seulement M. Silanus chercha dans l’avilissement du consulat un moyen d’honorer les empereurs : il fit la proposition que, au lieu de dater par les consuls de l’année, on inscrivît à l’avenir, sur les monuments et les actes soit publics, soit particuliers, les noms de ceux qui exerceraient la puissance tribunitienne. Q. Hatérius voulut aussi que les décrets de ce jour fussent gravés en lettres d’or dans le sénat ; et cette basse flatterie couvrit de ridicule un vieillard qui, à son âge, ne pouvait en recueillir que la honte.

Un flamine de Jupiter veut devenir proconsul

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Cependant, Junius Blésus ayant été continué dans le gouvernement de l’Afrique, Servius Maluginensis, flamine de