Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/231

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le sang ne cessait de couler, Pomponius Labéo, le même que la Mésie avait eu pour gouverneur, s’ouvrit les veines et abandonna la vie. Sa femme Paxéa suivit son exemple. La crainte du bourreau multipliait ces morts volontaires. Les condamnés étaient d’ailleurs privés de sépulture et leurs biens confisqués ; on gagnait au contraire à disposer de soi-même et à se hâter de mourir : les honneurs du tombeau et le respect des testaments étaient à ce prix. Au reste, Tibère écrivit au sénat que l’usage de nos ancêtres était d’interdire leur maison, en signe de rupture, à ceux dont ils voulaient cesser d’être amis ; qu’il en avait usé de la sorte avec Labéo, et que cet homme, accablé par les preuves d’une administration infidèle et de plusieurs autres attentats, avait couvert sa honte de l’intérêt qu’inspire une victime. Quant à sa femme, elle s’était faussement alarmée quoique coupable, elle n’avait rien à craindre. Ensuite fut attaqué de nouveau Mamercus Scaurus, distingué par sa noblesse et son éloquence, infâme par ses mœurs. Ce ne fut point l’amitié de Séjan qui le perdit : ce fut la haine de Macron, non moins mortelle à qui l’avait encourue. Macron continuait, mais avec plus de mystère, les pratiques de son prédécesseur. Il dénonça le sujet d’une tragédie composée par Scaurus, et indiqua les vers dont le sens détourné s’appliquait au prince. Mais Servilius et Cornélius chargés de l’accusation, alléguèrent un commerce adultère avec Livie, et des sacrifices magiques. Scaurus, avec un courage digne des Émiles, ses aïeux, prévint le jugement, à la persuasion de sa femme Sextia, qui partagea sa mort après l’avoir conseillée.

Relégations
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Les accusateurs étaient punis à leur tour, quand l’occasion s’en présentait. Ainsi Cornélius et Servilius, qu’avait honteusement signalés la perte de Scaurus, furent relégués dans une île, avec interdiction du feu et de l’eau, pour avoir fait payer leur silence à Varius Ligur, qu’ils menaçaient d’une dénonciation ; et Abudius Ruso, ancien édile, ayant voulu faire un crime à Lentulus Gétulicus, sous lequel il avait commandé une légion, d’avoir choisi pour gendre le fils de Séjan, fut condamné lui-même et chassé de Rome. Gétulicus commandait alors les légions de la haute Germanie, et s’était acquis auprès d’elles une merveilleuse popularité, prodigue de grâces, avare de châtiments, et, par son beau-père Apronius, agréable même à l’armée voisine. C’est une tradition accréditée qu’il osa écrire au prince que, "s’il avait pensé à l’alliance de Séjan,