Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/246

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une guerre naissante, envoie à la hâte Crispinus, préfet du prétoire, avec un détachement de soldats. Asiaticus fut trouvé à Baies, chargé de fers, et traîné à Rome.

1. Caligula.

On ne lui permit pas de se justifier devant le sénat. Il fut entendu dans l’appartement de Claude, en présence de Messaline. Suilius le peignit comme un corrupteur des soldats, qu’il avait, disait-il, achetés au crime par ses largesses et ses impudicités. Il l’accusa ensuite d’adultère avec Poppéa ; enfin il lui reprocha de dégrader son sexe. A ce dernier outrage, sa patience vaincue lui échappe : "Interroge tes fils, dit-il à Suilius, ils avoueront que je suis un homme." Les paroles qu’il prononça pour sa défense émurent vivement Claude, et arrachèrent des larmes à Messaline elle-même. En sortant pour les essuyer, elle avertit Vitellius de prendre garde que l’accusé n’échappât. Pour elle, tournant ses soins à la perte de Poppéa, elle aposta des traîtres, qui la poussèrent, par la peur du cachot, à se donner la mort. Ce fut tellement à l’insu du prince, que, peu de jours après, ayant reçu à sa table Scipion, mari de Poppéa, Claude lui demanda pourquoi il était venu sans sa femme. Scipion répondit qu’elle avait fini sa destinée.

3

Claude délibéra s’il absoudrait Asiaticus. Alors Vitellius, après avoir rappelé en pleurant son ancienne amitié avec l’accusé, les respects qu’ils avaient rendus ensemble à Antonia, mère du prince puis les services d’Asiaticus envers la république, ses exploits récents contre la Bretagne, enfin tout ce qui semblait capable de lui concilier la pitié, conclut à lui laisser le choix de sa mort ; et Claude se déclara aussitôt pour la même clémence. Les amis d’Asiaticus l’exhortaient à sortir doucement de la vie en s’abstenant de nourriture : il les remercie de leur bienveillance ; puis il se livre à ses exercices accoutumés, se baigne, soupe gaiement ; et, après avoir dit qu’il eût été plus honorable de périr victime de la politique de Tibère ou des fureurs de Caïus, que des artifices d’une femme et de la langue impure de Vitellius, il se fait ouvrir les veines. Il avait auparavant visité son bûcher, et ordonné qu’on le changeât de place, de peur que l’ombrage de ses arbres ne fût endommagé par la flamme : tant il envisageait tranquillement son heure suprême !

Attaques contre deux chevaliers

4

On convoque ensuite le sénat, et Suilius, continuant ses poursuites, accuse deux chevaliers romains du premier rang, surnommés Pétra. La cause de leur mort fut d’avoir prêté