Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/264

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rang illustre. Titius Proculus, auquel Silius avait confié la garde de Messaline, Vectius Valens, qui avouait tout et offrait des révélations, deux complices, Pompéius Urbicus et Saufellus Trogus, furent traînés au supplice par l’ordre de Claude. Décius Calpurnianus, préfet des gardes nocturnes, Sulpicius Rufus, intendant des jeux, et le sénateur Jutions Virgilianus, subirent la même peine.

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Le seul Mnester donna lieu à quelque hésitation. II criait au prince, en déchirant ses vêtements, "de regarder sur son corps les traces des verges ; de se souvenir du commandement exprès par lequel lui-même l’avait soumis aux volontés de Messaline ; que ce n’était point, comme d’autres, l’intérêt ou l’ambition, mais la nécessité, qui l’avait fait coupable ; qu’il eût péri le premier, si l’empire frit tombé aux mains de Silius" Ému par ces paroles, Claude penchait vers la pitié. Ses affranchis lui persuadèrent qu’après avoir immolé de si grandes victimes on ne devait pas épargner un histrion ; que, volontaire ou forcé, l’attentat n’en était pas moins énorme. On n’admit pas même la justification du chevalier romain Traulus Montanus. C’était un jeune homme de murs honnêtes, mais d’une beauté remarquable, que Messaline avait appelé chez elle et chassé dès la première nuit, aussi capricieuse dans ses dégoûts que dans ses fantaisies. On fit grâce de la vie à Suilius Césoninus et à Plautius Latéranus. Ce dernier dut son salut aux services signalés de son oncle. Césoninus fut protégé par ses vices : il avait joué le rôle de femme dans cette abominable fête.

Narcisse ordonne la mort de Messaline

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Cependant Messaline, retirée dans les jardins de Lucullus, cherchait à prolonger sa vie et dressait une requête suppliante, non sans un reste d’espérance, et avec des retours de colère ; tant elle avait conservé d’orgueil en cet extrême danger. Si Narcisse n’eût hâté sa mort, le coup retombait sur l’accusateur. Claude, rentré dans son palais, et charmé par les délices d’un repas dont on avança l’heure, n’eut pas plus tôt les sens échauffés par le vin, qu’il ordonna qu’on allât dire à la malheureuse Messaline (c’est, dit-on, le terme qu’il employa) de venir le lendemain pour se justifier. Ces paroles firent comprendre que la colère refroidie faisait place à l’amour ; et, en différant, on redoutait la nuit et le souvenir du lit conjugal. Narcisse sort brusquement, et signifie aux centurions et au tribun de garde d’aller tuer Messaline ; que tel est l’ordre de l’empereur. L’affranchi Évodus fut chargé de les surveiller et