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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/300

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s’accordaient merveilleusement avec l’avarice et la prodigalité de cet affranchi.

1. Caïus se moquait des richesses de Silanus et de son indolence.

2

On allait se précipiter dans les meurtres, si Burrus et Sénèque ne s’y fussent opposés. Ces deux hommes, qui gouvernaient la jeunesse de l’empereur avec un accord peu commun dans un pouvoir partagé, exerçaient, à des titres divers, une égale influence : Burrus par ses talents militaires et la sévérité de ses mœurs, Sénèque par ses leçons d’éloquence et les grâces dont il parait la sagesse ; travaillant de concert à sauver le prince des périls de son âge, et, si la vertu l’effarouchait, à le contenir au moins par des plaisirs permis. Ils n’avaient l’un et l’autre à combattre que la violence d’Agrippine, qui, tourmentée de tous les délires d’un pouvoir malfaisant, était soutenue de Pallas, auteur du mariage incestueux et de la funeste adoption par lesquels Claude s’était perdu lui-même. Il est vrai que Néron n’était pas de caractère à plier sous un esclave ; et Pallas, par son humeur triste et hautaine, sortant des bornes de sa condition, s’était rendu à charge. Toutefois on accumulait publiquement les honneurs sur Agrippine : un tribun, suivant l’usage militaire, étant venu à l’ordre, Néron lui donna pour mot, " la meilleure des mères." Le sénat lui décerna deux licteurs, avec le titre de prêtresse de Claude, et à Claude des funérailles solennelles, ensuite l’apothéose.

Eloge funèbre de Claude composé par Sénèque

3

Le jour des obsèques, Néron prononça l’éloge funèbre. Tant qu’il vanta dans Claude l’ancienneté de sa race, les consulats et les triomphes de ses ancêtres, l’attention de l’auditoire soutint l’orateur. On se prêta mème à l’entendre louer ses connaissances littéraires, et rappeler que, sous son règne, la république n’avait essuyé aucun échec au dehors ; mais, quand il en vint à la sagesse et à la prévoyance de Claude, personne ne put s’empêcher de rire. Cependant le discours, ouvrage de Sénèque, était paré de tous les ornements de l’éloquence ; on sait combien cet écrivain avait un esprit agréable et assorti au goût de ses contemporains. Les vieillards, qui s’amusent à rapprocher le passé du présent, remarquaient que Néron était le premier des maîtres de l’empire qui eût eu besoin de recourir au talent d’autrui. Le dictateur César ne le cédait pas aux plus grands orateurs. Auguste avait l’élocution abondante ; et facile qui convient à un prince ; Tibère savait, de plus, peser ses expressions avec un art merveilleux, donnant de la force à sa pensée, ou l’enveloppant à dessein. Dans Caïus même, le désordre de la raison ne détruisit pas l’énergie de la