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annales, livre i

rantes et, lorsqu’elle eut bien concerté ses mesures, on apprit qu’Auguste était mort et Tibère empereur.

VI. Le coup d’essai du nouveau règne fut le meurtre de Postumus Agrippa : un centurion déterminé le surprit sans armes et cependant ne le tua qu’avec peine. Tibère ne parla point au sénat de cet événement. Il feignait qu’un ordre de son père avait enjoint au tribun qui veillait sur le jeune homme de lui donner la mort, aussitôt que lui-même aurait fini sa destinée ? Il est vrai qu’Auguste, après s’être plaint avec aigreur du caractère de Postumus, avait fait confirmer son exil par un sénatus-consulte. Mais sa rigueur n’alla jamais jusqu’à tuer aucun des siens ; et il n’est pas croyable qu’il ait immolé son petit-fils à la sécurité du fils de sa femme. Il est plus vraisemblable que Tibère et Livie, l’un par crainte, l’autre par haine de marâtre, se hâtèrent d’abattre une tête suspecte et odieuse. Quand le centurion, suivant l’usage militaire, vint annoncer que les ordres de César étaient exécutés, celui-ci répondit qu’il n’avait point donné d’ordres, et qu’on aurait à rendre compte au sénat de ce qui s’était fait. À cette nouvelle, Sallustius Crispus[1], confident du prince, et qui avait envoyé le billet au tribun, craignant de voir retomber sur lui-même une accusation également dangereuse, soit qu’il soutînt le mensonge ou déclarât la vérité, fit sentir à Livie « qu’il importait de ne point divulguer les mystères du palais, les conseils des amis de César, les services des gens de guerre ; que Tibère énerverait l’autorité, en renvoyant tout au sénat ; que la première condition du pouvoir, c’est qu’il n’y ait de comptes reconnus que ceux qui se rendent à un seul. »

VII. Cependant, à Rome, tout se précipite dans la servitude, consuls, sénateurs, chevaliers, plus faux et plus empressés à proportion de la splendeur des rangs. On se compose le visage pour ne paraître ni joyeux à la mort du prince, ni triste à l’avènement d’un autre, et chacun s’étudie à mêler les pleurs, l’allégresse, les plaintes, l’adulation. Les consuls Sext. Pompeius et Sext. Apuleius jurèrent les premiers obéissance à Tibère César ; et entre leurs mains firent serment Seius Strabo et C. Turranius, préfets, celui-ci des vivres et l’autre du prétoire, puis le sénat, les soldats et le peuple. Car Tibère laissait aux consuls l’initiative de tous les actes, à l’imitation de l’ancienne République, et comme s’il n’était pas sûr que l’empire

  1. Neveu et fils adoptif de l’historien Salluste.