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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/397

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ah ! que du moins, si la vie lui était arrachée, il honorât sa mort aux yeux de ses ancêtres et de ses descendants ! " Insensible à ces exhortations, il sortit un instant, puis se renferma chez lui, fortifiant son âme contre le moment suprême. Bientôt parut une troupe de satellites que Néron avait composée de recrues ou de gens ayant peu de service : il craignait que l’esprit des vieux soldats ne fût gagné au parti. Pison mourut en se faisant couper les veines des bras. Il laissa un testament rempli pour Néron de basses flatteries : c’était par faiblesse pour son épouse, femme dégradée, sans autre mérite que sa beauté, et qu’il avait enlevée à la couche d’un de ses amis. Elle se nommait Arria Galla, le premier mari Domitius Silius ; tous deux ont à jamais flétri la renommée de Pison, lui par d’infâmes complaisances, elle par son impudicité.

Mort de Sénèque

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La première mort qui suivit fut celle du consul désigné Plautius Latéranus ; elle fut si précipitée que Néron ne lui permit ni d’embrasser ses enfants, ni de jouir de ce peu de moments qu’il laissait à d’autres pour choisir leur trépas. Traîné au lieu réservé pour le supplice des esclaves, il est égorgé par la main du tribun Statius et meurt plein d’une silencieuse constance, et sans reprocher au tribun sa propre complicité. A cette mort succéda celle de Sénèque, plus agréable au prince que toutes les autres : non que rien prouvât qu’il eût eu part au complot ; mais Néron voulait achever par le fer ce qu’il avait en vain tenté par le poison. Natalis seul avait nommé Sénèque, et il s’était borné à dire "que, celui-ci étant malade, il avait eu mission de le visiter et de se plaindre que sa porte fût fermée à Pison, quand ils devraient plutôt cultiver leur amitié, en se voyant familièrement. A quoi Sénèque avait répondu que des visites mutuelles et de fréquents entretiens ne convenaient ni à l’un ni à l’autre ; qu’au reste ses jours étaient attachés à la conservation de Pison." Granius Silvanus, tribun d’une cohorte prétorienne, fut chargé de communiquer cette déposition à Sénèque, et de lui demander s’il reconnaissait les paroles de Natalis et sa propre réponse. Soit hasard, soit dessein Sénèque était arrivé ce jour-là de Campanie, et il s’était arrêté dans une maison de plaisance, la quatrième pierre milliaire. Le tribun s’y rendit vers le soir, et entoura la maison de soldats. Sénèque était à table avec sa femme Pompéia Paullina et deux de ses amis, quand il lui exposa le message de l’empereur.

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Il répondit "que Natalis était venu chez lui se plaindre,