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annales, livre i.

demandèrent à donner à leurs frais des jeux qui seraient ajoutés aux fastes, et, du nom d’Auguste, appelés Augustaux. Mais on assigna des dons sur le trésor, et l’on permit aux tribuns de paraître au cirque en robe triomphale : le char ne leur fut pas accordé. Bientôt la célébration annuelle de ces jeux fut transportée à celui des préteurs qui juge les contestations entre les citoyens et les étrangers.

XVI. Telle était à Rome la situation des affaires, quand l’esprit de révolte s’empara des légions de Pannonie ; révolte sans motif, si ce n’est le changement de prince, qui leur montrait la carrière ouverte au désordre et des récompenses à gagner dans une guerre civile. Trois légions étaient réunies dans les quartiers d’été, sous le commandement de Junius Blésus. En apprenant la fin d’Auguste et l’avènement de Tibère, ce général avait, en signe de deuil ou de réjouissance, interrompu les exercices accoutumés. De là naquirent, parmi les soldats, la licence, la discorde, l’empressement à écouter les mauvais conseils, enfin l’amour excessif des plaisirs et du repos, le dégoût du travail et de la discipline. Il y avait dans le camp un certain Percennius, autrefois chef d’entreprises théâtrales, depuis simple soldat, parleur audacieux, et instruit, parmi les cabales des histrions, à former des intrigues. Comme il voyait ces esprits simples en peine de ce que serait après Auguste la condition des gens de guerre, il les ébranlait peu à peu dans des entretiens nocturnes ; ou bien, sur le soir, lorsque les hommes tranquilles étaient retirés, il assemblait autour de lui tous les pervers. Enfin lorsqu’il se fut associé de nouveaux artisans de sédition, prenant le ton d’un général qui harangue, il demandait aux soldats :

XVII. « Pourquoi ils obéissaient en esclaves à un petit nombre de centurions, à un petit nombre de tribuns. Quand donc oseraient-ils réclamer du soulagement, s’ils n’essayaient, avec un prince nouveau et chancelant encore, les prières ou les armes ? C’était une assez longue et assez honteuse lâcheté, de courber, trente ou quarante ans, sous le poids du service, des corps usés par l’âge ou mutilés par les blessures. Encore si le congé finissait leurs misères ! Mais après le congé il fallait rester au drapeau[1], et, sous un autre nom, subir les

  1. Quand les années de service légionnaire étaient finies, les soldats n’étaient pas encore renvoyés chez eux. Il leur était dû une récompense en argent ou en fonds de terres ; et, en attendant qu’ils la reçussent, on les