Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/428

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l’empire ; on était sûr que le soldat le lui avait offert. Enfin le meurtre de Capiton indignait ceux même qui n’avaient pas le droit de s’en plaindre. Un chef manquait toutefois : Virginius, appelé à la cour sous un faux-semblant d’amitié, était retenu, accusé même, et l’armée voyait dans ce traitement sa propre accusation.

IX. Celle du Haut-Rhin méprisait son général Hordéonius Flaccus, vieux, tourmenté de la goutte, sans caractère, sans autorité. Dans une armée paisible, il ne commandait pas ; sa molle résistance achevait d’enflammer une armée déjà furieuse. Les légions de la Basse Germanie furent assez longtemps sans chef consulaire. Enfin Aulus Vitellius arriva de la part du prince. Il était fils de Vitellius, censeur ; trois fois consul, et ce titre parut suffisant. Il n’y avait aucun signe de mécontentement parmi les troupes de Bretagne. Et ces légions furent sans contredit celles qui, dans tous les mouvements des guerres civiles, se maintinrent le plus irréprochables ; soit à cause de la distance et de l’Océan qui les tenait isolées, soit parce qu’étant souvent en campagne, elles avaient appris à ne haïr que l’ennemi. Même repos en Illyrie, quoique les légions que Néron en avait appelées eussent, pendant un séjour prolongé dans l’Italie, essayé des négociations auprès de Virginius. Au reste, séparées par de longs intervalles, ce qui est la meilleure garantie de la foi militaire, les armées ne pouvaient ni mêler leurs vices, ni réunir leurs forces.

X. L’Orient était encore immobile. La Syrie et quatre légions recevaient les ordres de Licinius Mucianus homme également fameux par ses prospérités et par ses disgrâces. Jeune il avait cultivé ambitieusement d’illustres amitiés. Un temps vint où, ses richesses étant épuisées, sa fortune chancelante, lui-même en doute s’il n’avait pas encouru le déplaisir de Claude, on l’envoya languir au fond de l’Asie, aussi prés de l’exil alors, qu’il le fut depuis du rang suprême. C’était un mélange de mollesse et d’activité, de politesse et d’arrogance, de bonnes qualités et de mauvaises : des voluptés sans retenue au temps du loisir, au besoin de grandes vertus ; des dehors qu’on aurait loués, et sous ces dehors une vie qu’on déchirait ; du reste, auprès de ses inférieurs, de ses amis, de ses collègues, puissant en séductions de tout genre ; homme enfin qui trouva plus commode de donner l’empire que de le garder. Vespasien (c’est Néron qui l’avait choisi) conduisait avec trois légions la guerre de Judée. Ce chef ne