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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/432

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L’âge où tu es a échappé déjà aux passions de la jeunesse ; ta vie passée n’a rien à se faire pardonner. Jusqu’ici tu n’as soutenu que la mauvaise fortune ; la bonne a pour essayer les âmes de plus fortes épreuves. Car les misères se supportent ; le bonheur nous corrompt. La bonne foi, la franchise, l’amitié, ces premiers biens de l’homme, tu les cultiveras sans doute avec une constance inaltérable ; mais d’autres les étoufferont sous de vains respects. A leur place pénétreront de toutes parts l’adulation, les feintes caresses, et ce mortel ennemi de tout sentiment vrai, l’intérêt personnel. Aujourd’hui même nous nous parlons l’un à l’autre avec simplicité ; tout le reste s’adresse à notre fortune plus volontiers qu’à nous. Il faut le dire aussi : donner à un prince de bons conseils est une tâche pénible ; être le servile approbateur de tous les princes, on le peut sans que le cœur s’en mêle.

11. Le nom de famille de Galba était Sulpicius, et il descendait de ce Servius Sulpicius Galba qui est marqué par Cicéron comme le premier Romain qui ait connu toutes les ressources de l’art oratoire. L’empereur Galba eut pour mère Mummia Achaïca, petite-fille de Q. Lutatius Catulus, consul en 675.

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"Si ce corps immense de l’État pouvait se soutenir et garder son équilibre sans un modérateur suprême, j’étais digne de recommencer la république. Mais tel est depuis longtemps le cours de la destinée, que ni ma vieillesse ne peut offrir au peuple romain de plus beau présent qu’un bon successeur, ni ta jeunesse lui donner rien de plus qu’un bon prince. Sous Tibère, sous Caïus et sous Claude, Rome fut comme le patrimoine d’une seule famille. L’élection qui commence en nous tiendra lieu de liberté. A présent que la maison des Jules et des Claudius n’est plus, l’adoption ira chercher le plus digne. Naître du sang des princes est une chance du hasard, devant laquelle tout examen s’arrête : celui qui adopte est juge de ce qu’il fait ; s’il veut choisir, la voix publique l’éclaire. Que Néron soit devant tes yeux : ce superbe héritier de tant de Césars, ce n’est pas Vindex à la tête d’une province désarmée, ce n’est pas moi avec une seule légion, c’est sa barbarie, ce sont ses débauches qui l’ont renversé de dessus nos têtes : or il n’y avait point encore d’exemple d’un prince condamné. Nous que la guerre et l’opinion ont faits ce que nous sommes, les vertus les plus éminentes ne nous sauveraient pas de l’envie. Ne t’effraye pas cependant, si deux légions sont encore émues d’une secousse qui a remué l’univers. Ni moi non plus je n’ai pas trouvé l’empire sans orages ; et, quand on saura ton adoption, je cesserai de paraître vieux, seul reproche qu’on me fasse aujourd’hui. Néron sera toujours regretté des méchants ; c’est à nous deux de faire en sorte qu’il ne le soit pas aussi des gens de bien. De plus longs