Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/460

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Valens ajouta un don de trois cents sesterces par tête ; et alors on sentit ce que méritait d’égards une si ancienne colonie ; alors les paroles de Valens, recommandant à ses troupes la vie et la sûreté des Viennois, trouvèrent des oreilles favorables. Toutefois le pays fut désarmé, et les particuliers fournirent aux soldats toute sorte de provisions. Ce fut un bruit accrédité, que Valens s’était fait acheter le premier pour une grosse somme d’argent. Longtemps misérable, devenu riche tout à coup, il déguisait mal son changement de fortune ; effréné dans ses désirs, qu’avait allumés une longue privation, et, après une jeunesse indigente, vieillard prodigue. L’armée, poursuivant lentement sa route traversa le pays des Allobroges et des Voconces35 ; et pendant ce temps le général trafiquait des marchés et des séjours, faisant avec les possesseurs des terres et les magistrats des villes de honteuses transactions, qu’il appuyait de menaces terribles. C’est ainsi qu’au Luc, municipe des Voconces, il tint des torches allumées contre la ville, jusqu’à ce qu’on l’eût apaisé avec de l’argent. Quand l’argent manquait, la prostitution et l’adultère étaient le prix qu’il mettait à sa clémence. On parvint de la sorte au pied des Alpes.

35. Les Allobroges occupaient la plus grande partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le Dauphiné, et une portion de la Savoie. Vienne était la principale ville de ce pays. — Les Vocontii habitaient au midi des Allobroges et avaient pour chef-lieu Vasio ou Vaison.

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Cécina ravit plus de dépouilles et versa plus de sang. Sa prompte et fougueuse colère s’était émue contre les Helvétiens, nation gauloise, célèbre jadis parle courage et le nombre de ses guerriers et maintenant par de glorieux souvenirs, qui, ne sachant pas encore le meurtre de Galba, refusait obéissance à Vitellius. La guerre fut allumée par l’avarice et la précipitation de la vingt-unième légion. Ce corps avait enlevé un convoi d’argent destiné à la solde d’une garnison qui depuis long temps était fournie et entretenue par la nation helvétique. Les Helvétiens indignés avaient à leur tour intercepté les lettres qu’on portait de la part des légions du Rhin à celles de Pannonie, et retenaient prisonniers un centurion et quelques soldats. Avide de guerre, Cécina punissait la première faute commise, avant qu’on eût le temps de se repentir. Il lève le camp ravage le pays, livre au pillage un lieu qui, à la faveur d’une longue paix, s’était accru en forme de ville, et dont les eaux, renommées