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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/480

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L’imposture s’accréditait chaque jour, quand le hasard en dissipa le prestige. Calpurnius Asprénas avait été nommé par Galba gouverneur de Galatie et de Pamphylie. Deux trirèmes, détachées de la flotte de Misène pour lui servir d’escorte, arrivèrent avec lui à Cythnos. On ne manqua pas d’appeler les triérarques auprès du prétendu Néron. Celui-ci, avec une douleur affectée, les conjure, par la foi anciennement jurée à leur empereur, de le conduire en Syrie ou en Égypte. Les triérarques, ébranlés ou feignant de l’être, promirent de parler aux soldats et de revenir après avoir disposé les esprits ; mais ils rendirent un compte fidèle de tout à Asprénas. Sur l’exhortation de ce chef, le vaisseau fut forcé, et l’aventurier mis à mort sans qu’on s’informât de son nom. Son corps, où les yeux, la chevelure, la férocité du visage, étaient surtout remarquables, fut porté en Asie, puis à Rome.

Contre les délateurs

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Dans une ville en proie à la discorde, et où le changement réitéré de prince avait rendu la limite indécise entre la licence et la liberté, les moindres affaires excitaient de grandes agitations. Vibius Crispus, auquel sa fortune, son crédit, ses talents, avaient acquis plus de renommée que d’estime, appelait Annius Faustus, chevalier romain, qui sous Néron faisait le métier de délateur, à se justifier devant le sénat. Car, par un décret rendu sous le règne de Galba, cet ordre avait autorisé les poursuites contre les accusateurs. Ce sénatus-consulte, respecté ou méconnu selon que l’accusé était faible ou puissant, subsistait malgré ces vicissitudes. A la terreur de la loi Crispus ajoutait tout le poids de son crédit, pour accabler le délateur de son frère. Entraînée par lui, une grande partie du sénat demandait que, sans être défendu ni entendu, Faustus fût livré à la mort. Auprès de quelques autres, rien au contraire ne servait mieux l’accusé que le pouvoir exécutif de l’accusateur. Ils pensaient qu’il fallait "lui donner du temps, produire