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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/62

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ratifia toutes les concessions de Germanicus, et les étendit aux armées de Pannonie.

LIII. Cette même année mourut Julie, fille d’Auguste que son père avait confinée jadis, à cause de ses désordres, dans l’île de Pandatère[1], ensuite à Rhégium, sur le détroit de Sicile. Mariée à Tibère dans le temps où florissaient les Césars Caius et Lucius, elle avait trouvé cette alliance inégale ; et, au fond, nulle cause n’influa autant que ses mépris sur la retraite de Tibère à Rhodes. Bannie, déshonorée, privée, par le meurtre d’Agrippa Postumus, de sa dernière espérance, elle survécut peu à l’avènement de ce prince : il la fit périr lentement de faim et de misère, persuadé qu’à la suite d’un si long exil[2] sa mort passerait inaperçue. De semblables motifs armèrent sa cruauté contre Sempronius Gracchus. Cet homme, d’une haute naissance, d’un esprit délié, doué d’une éloquence dont il usait pour le mal, avait séduit cette même Julie, quand elle était femme de M. Agrippa. Et l’adultère ne cessa pas avec cette union. Son amour obstiné la suivit dans la maison de Tibère, et il aigrissait contre ce nouvel époux son orgueil et sa haine. Une lettre injurieuse pour Tibère, qu’elle écrivit à Auguste, fut même regardée comme l’ouvrage de Gracchus. Relégué en conséquence dans l’île de Cercine, sur les côtes d’Afrique, il y endurait depuis quatorze ans les rigueurs de l’exil. Les soldats envoyés pour le tuer le trouvèrent sur une pointe du rivage, n’attendant rien moins qu’une bonne nouvelle. À leur arrivée, il demanda quelques instants pour écrire ses dernières volontés à sa femme Alliaria. Ensuite il présenta sa tête aux meurtriers et reçut la mort avec un courage digne du nom de Sempronius, qu’il avait démenti par sa vie. Quelques-uns rapportent que ces soldats ne vinrent point de Rome, mais que le proconsul Asprénas les envoya d’Afrique, par ordre de Tibère, qui s’était flatté vainement de faire retomber sur Asprénas l’odieux de ce meurtre.

LIV. On créa, la même année, une nouvelle institution religieuse, le collège des prêtres d’Auguste, comme jadis Titus Tatius, pour conserver le culte des Sabins, avait créé les prêtres Titiens. À vingt et un membres tirés au sort parmi les principaux de Rome, on ajouta Tibère, Drusus, Claude et Ger-

  1. Voisine de la Campanie.
  2. Il y avait quinze ans que Julie était reléguée ; et le peuple, qui d’abord s’était fort intéressé à elle, avait eu le temps de l’oublier.