Aller au contenu

Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/636

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

attirant les cœurs par des manières et des paroles obligeantes, et souvent, dans les travaux et les marches, se mêlant aux simples légionnaires, sans que la dignité du général en fût avilie. Trois légions, la cinquième, la dixième et la quinzième, anciens soldats de Vespasien, le reçurent en Judée. Il y ajouta la douzième qu’il fit venir de Syrie, et ce qu’il avait amené d’Alexandrie de la vingt-deuxième et de la troisième. A la suite marchaient vingt cohortes alliées et huit ailes de cavalerie, sans compter les rois Sohémus et Agrippa, les corps auxiliaires du roi Antiochus, et une forte troupe d’Arabes animée contre les Juifs de la haine ordinaire entre peuples voisins, enfin tous ceux qu’avait amenés d’Italie et de Rome l’intérêt personnel, impatient de s’emparer de l’oreille encore libre du prince. Entré avec ces forces sur le territoire ennemi, Titus s’avance en bon ordre, et s’éclairant avec soin, toujours prêt à combattre, il va camper non loin de Jérusalem.

2

Au moment où nous allons retracer le jour suprême d’une ville si fameuse, il paraît convenable d’en exposer aussi l’origine1. Les Juifs, dit-on, fuyant de l’île de Crète, occupèrent les dernières terres de Libye, à l’époque où Saturne, vaincu par Jupiter, fut chassé de ses États. On tire un argument de leur nom : Ida est une célèbre montagne de Crète, habitée par les Idaei mot dont l’addition barbare d’une lettre aura fait Judaei. Quelques-uns prétendent que, sous le règne d’Isis, l’Égypte regorgeant d’un excès de population s’en déchargea sur les terres voisines, et que la migration eut pour chefs Hiérosolymus et Juda. Beaucoup font des Juifs une race d’Éthiopiens, que la crainte et la haine forcèrent, sous le roi Céphée, à changer de demeures ; d’autres un assemblage d’Assyriens qui, faute de champs à cultiver, s’emparèrent d’une partie de l’Égypte, puis, se rapprochant de la Syrie, se bâtirent des villes et s’approprièrent les terres des Hébreux. Il en est enfin qui leur donnent une origine illustre ; selon eux, les Solymes, nation célébrée dans les chants d’Homère2, fondèrent une ville, et, de leur nom, l’appelèrent Hiérosolyma.

1. Tout ce que Tacite va dire sur l’origine de Jérusalem et du peuple juif est emprunté à des auteurs étrangers à cette nation, peu instruits de son histoire ou ennemis de son culte. De pareilles sources il ne pouvait guère sortir que des erreurs.
2. Les Solymes sont mentionnés deux fois dans l’Iliade avec l’épithète kudalimoi, glorieux ; et dans l’Odyssée il est question des monts Solymes, mais sans aucune circonstance qui en détermine la position géographique.

3