Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
631
MŒURS DES GERMAINS.

auquel on contribue par tête, et qui, reçu comme un honneur, subvient aussi à leurs dépenses. Mais rien ne flatte plus ces chefs que les présents qui leur sont envoyés des pays voisins par les particuliers ou par l’État, comme des coursiers choisis, des armes d’une grande dimension, des harnais, des colliers. Nous leur avons même appris à recevoir de l’argent.

XVI. On sait assez que les Germains ne bâtissent point de villes ; ils ne souffrent pas même d’habitations réunies. Leurs demeures sont éparses, isolées, selon qu’une fontaine, un champ, un bocage, ont déterminé leur choix. Leurs villages ne sont pas, comme les nôtres, formés d’édifices contigus : chacun laisse un espace vide autour de sa maison, soit pour prévenir le danger des incendies, soit par ignorance dans l’art de bâtir. Ils n’emploient ni pierres ni tuiles ; ils se servent uniquement de bois brut, sans penser à la décoration ni à l’agrément. Toutefois ils enduisent certaines parties d’une terre fine et luisante, dont les veines nuancées imitent la peinture. Ils se creusent aussi des souterrains, qu’ils chargent en dessus d’une épaisse couche de fumier. C’est là qu’ils se retirent l’hiver, et qu’ils déposent leurs grains. Ils y sentent moins la rigueur du froid ; et, si l’ennemi fait une incursion, il pille les lieux découverts, tandis que cette proie cachée sous la terre reste ignorée de lui, ou le déroute par les recherches mêmes qu’il fait pour la trouver.

XVII. Ils ont tous pour vêtement un sayon qu’ils attachent avec une agrafe, ou, à défaut d’agrafe, avec une épine. A cela près ils sont nus, et passent les journées entières auprès de leur foyer. Les plus riches se distinguent par un habillement, non pas flottant comme chez les Sarmates et les Parthes, mais serré et qui marque toutes les formes. Ils portent aussi des peaux de bêtes, plus grossières vers le Rhin, plus recherchées dans l’intérieur, où le commerce ne fournit point d’autre parure. Là on choisit les animaux, et, pour embellir leur dépouille, on la parsème de taches et on la bigarre avec la peau des monstres que nourrissent les plages inconnues du plus lointain Océan. L’habillement des femmes ne diffère pas de celui des hommes, excepté qu’elles se couvrent le plus ordinairement de tissus de lin relevés par un mélange de pourpre, et que la partie supérieure de leur vêtement ne s’étend point pour former des manches : elles ont les bras nus jusqu’à l’épaule ; leur sein même est en partie découvert.

XVIII. Toutefois en ce pays les mariages sont chastes, et il