Aller au contenu

Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
647
MŒURS DES GERMAINS.

sécurité. Les Estyens combattent peu avec le fer, souvent avec des bâtons. Ils cultivent le blé et les autres fruits de la terre avec plus de patience que n’en promet la paresse habituelle des Germains. Ils fouillent même la mer, et seuls de tous les peuples ils recueillent le succin, qu’ils appellent gless : ils le trouvent entre les rochers et quelquefois sur le rivage. Quelle en est la nature et comment il se forme, c’est ce que des barbares n’ont ni cherché ni découvert. Longtemps même il resta confondu parmi les viles matières que rejette l’Océan, et c’est notre luxe qui l’a mis en réputation. Les gens du pays n’en font aucun usage ; ils le recueillent brut, nous l’apportent dans son état informe, et s’étonnent du prix qu’ils en reçoivent. Le succin doit être la gomme de certains arbres : souvent en effet sa transparence y laisse apercevoir des animaux terrestres et même des insectes ailés, qui s’embarrassent dans cette subtance encore fluide, et finissent, quand elle durcit, par y rester emprisonnés. Il serait donc vrai que, s’il est au fond de l’Orient des végétaux qui distillent le baume et l’encens, il existe aussi, dans les îles et les terres de l’Occident, des forêts et des arbres d’une fécondité inconnue, dont le suc, exprimé par les rayons d’un soleil si rapproché de ces climats, s’écoule et tombe dans la mer voisine, et vient, apporté par les vents et les flots, se décharger sur les côtes opposées. Si l’on éprouve la nature du succin en l’approchant du feu, il s’allume comme un flambeau et jette une flamme grasse et odorante ; bientôt il s’amollit comme la poix ou la résine. Après les Suiones viennent immédiatement les Sitones. Semblables en tout le reste, ils diffèrent d’eux en un point ; c’est qu’ils obéissent à une femme : tant ils sont tombés au-dessous, je ne dirai pas de la liberté, mais de la servitude elle-même. Là finit la Suévie.

XLVI. Les Peucins, les Vénèdes et les Fennes[1], sont-ils des nations germaniques ou sarmates ? je ne saurais le dire. Toutefois les Peucins, que quelques-uns nomment Bastarnes, ont le langage, l’habillement, les habitations fixes des Germains. Tous végètent dans l’inertie et la malpropreté ; les principaux, en se mêlant par le mariage avec les Sarmates[2], ont contracté

  1. Les Vénédes, prés du golfe de Dantzik, au sud des Fennes.
  2. Ce nom remplaça celui de Scythes, et fut appliqué, comme ce dernier, à un grand nombre de peuples divers, répandus entre les monts Karpathes, le bas Danube et le Pont-Euxin, s’étendant à droite vers le Caucase et le