Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux, ou enfin la superstition, firent prévaloir l’avis de Pison, qui conseillait de ne rien changer.

LXXX. Poppéus Sabinus fut continué dans le gouvernement de Mésie auquel on joignit l’Achaïe et la Macédoine. Ce fut une des maximes de Tibère de laisser longtemps l’autorité dans les mêmes mains ; et, sous lui, plus d’un gouverneur garda jusqu’à la mort son armée ou sa juridiction. On en donne différents motifs : les uns disent que, pour s’épargner l’ennui de nouveaux choix, il maintenait irrévocablement les premiers ; d’autres, que sa jalousie craignait de satisfaire trop d’ambitions. Quelques-uns pensent que la finesse de son esprit n’empêchait pas les perplexités de son jugement. Il ne recherchait point les vertus éminentes, et d’un autre côté il haïssait les vices ; il avait peur des gens de bien pour lui-même, des méchants pour l’honneur public. Cette irrésolution l’entraîna jusqu’à donner des provinces à des gouverneurs qu’il ne devait pas laisser sortir de Rome.

LXXXI. Il tint alors pour la première fois les comices consulaires. Je n’oserais rien affirmer sur cette élection ni sur celles qui la suivirent, tant je trouve de contradictions dans les historiens et dans les discours même du prince. Tantôt, sans dire le nom des candidats, il parlait de leur origine, de leur vie, de leurs campagnes, de manière à les faire reconnaître ; tantôt, supprimant jusqu’à cette désignation, il les exhortait à ne point troubler les comices par des brigues, et leur promettait de solliciter pour eux. Souvent il dit que les seuls qui eussent déclaré devant lui leurs prétentions étaient ceux dont il avait remis les noms aux consuls, que d’autres pouvaient encore se présenter, s’ils comptaient sur leur crédit ou sur leurs titres : paroles spécieuses, mais vaines ou perfides ; dehors trompeurs de liberté, dont se couvrait la tyrannie, pour éclater un jour avec plus de violence.