Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/80

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Parthes ? » Ainsi s’exprimait leur indignation, que Vonon achevait d’enflammer par son éloignement pour les usages des ancêtres, chassant rarement, aimant peu les chevaux, ne paraissant jamais dans les villes que porté en litière, et dédaignant les festins du pays. On tournait encore en dérision son cortège de Grecs et son cachet apposé sur les plus vils objets. Même son abord facile et son humeur prévenante, qualités ignorées de ces barbares, n’étaient pour eux que des vices nouveaux. Un air étranger rendait en lui le bien et le mal également odieux.

III. Ils appellent donc Artaban, autre prince Arsacide, élevé chez les Dahes[1] qui, vaincu dans un premier combat, retrouve des forces et s’empare du trône. Vonon fugitif se retira en Arménie, pays alors sans maître, et dont la foi partagée flottait entre les Parthes et les Romains depuis le crime d’Antoine, qui, après avoir, sous le nom d’ami, attiré dans un piège Artavasde, roi des Arméniens, le chargea de fers et finit par le tuer. Artaxias, fils de ce prince, ennemi de Rome à cause du souvenir de son père, se maintint, lui et son royaume, avec le secours des Arsacides. Artaxias ayant péri par la trahison de ses proches, Tigrane fut donné par Auguste aux Arméniens, et conduit dans ses États par Tibérius Néro[2]. Le trône ne resta pas longtemps à Tigrane, non plus qu’à ses enfants, quoique, selon l’usage des barbares, le frère et la sœur eussent associé leur lit et leur puissance. Un autre Artavasde fut imposé par Auguste, puis renversé, non sans perte pour nous.

IV. C’est alors que Caïus César[3] fut choisi pour pacifier l’Arménie. Il la donna au Mède Ariobarzane, dont les avantages extérieurs et le grand courage plaisaient aux Arméniens. Ariobarzane périt d’une mort fortuite, et sa race fut rejetée. Les Arméniens essayent alors du gouvernement d’une femme, nommée Érato, la chassent bientôt ; puis irrésolus, livrés à l’anarchie, moins libres que sans maître, ils placent enfin sur le trône le fugitif Vonon. Mais Artaban le menaçait, les Arméniens étaient peu capables de le défendre, et, si nous embrassions sa querelle, il fallait avoir la guerre avec les Parthes ; le gouverneur de Syrie, Créticus Silanus, l’attire dans sa province et le retient captif, en lui laissant le nom et l’appareil

  1. Nation scythe, qui a donné son nom à la province appelée encore aujourd’hui Dahistan.
  2. Depuis, l’empereur Tibère.
  3. Fils d’Agrippa et de Julie, petit-fils d’Auguste.