Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/227

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En effet, dès son entrée dans son gouvernement, tout le temps que les autres passent en ostentation et dans les brigues, il ne s’était plu qu’aux travaux et aux périls. Et alors, ne tirant nulle vanité de la réussite des choses, il n’appelait ni expédition ni victoire la soumission de peuples vaincus : aussi ne fit-il pas envelopper ses dépêches de lauriers ; mais, par la dissimulation même de sa gloire, il augmentait cette gloire aux yeux de ceux qui appréciaient en quel espoir de l’avenir il avait tû de si grands exploits.

XIX. Du reste, l’étude du caractère de ces peuples, et en même temps l’expérience d’autrui lui ayant appris que l’on gagnait peu par les armes, si les injustices suivaient, il résolut d’éteindre les causes de ces guerres. Commençant par lui et par les siens, il régla d’abord sa maison ; ce qui, pour bien des personnes, est non moins difficile que de régir une province. Rien du service public ne se fit par ses affranchis ou par ses esclaves : ni affection particulière, ni recommandation, ni prières des centurions n’élevèrent le soldat ; mais pour lui le meilleur citoyen était le plus digne de sa confiance. Il voulut tout savoir, non tout exécuter : aux fautes légères réserver le pardon, aux grandes la sévérité ; ne pas exiger toujours le châtiment, mais plus souvent se contenter du repentir ; préposer aux places et aux administrations ceux qui ne prévariqueraient pas, pour n’avoir pas à punir lorsqu’on aurait prévariqué ; adoucir l’augmentation des impôts en blé ou autres par l’égalité des répartitions, en retranchant ces inventions du fisc, plus intolérables que les tributs mêmes. En effet on forçait les Bretons, par raillerie, d’attendre auprès de leurs greniers fermés, d’acheter leurs propres blés, puis de les revendre à prix