Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/259

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à les incendier ; à choisir des retraites, et aussitôt les abandonner ; à échanger quelques avis, puis se séparer : quelquefois ils sont brisés de douleur, plus souvent, transportés de fureur à la vue des gages de leur tendresse ; et l’on assure même que quelques-uns, comme par un sentiment de pitié, égorgèrent leurs femmes et leurs enfants. Les premières lueurs du jour découvrirent plus largement tout le spectacle de la victoire : partout un vaste silence, des collines désertes, des toits fumant au loin, pas un Breton rencontré par nos éclaireurs, qui furent envoyés de tous côtés. Dès qu’il ne resta plus de traces certaines de la fuite des ennemis, et qu’on fut assuré qu’ils ne se réunissaient en aucun lieu, comme l’été était déjà passé, Agricola, ne voulant pas diviser ses troupes, conduisit son armée dans le pays des Horestes. Là, ayant reçu des otages, il ordonna au commandant de la flotte de se porter autour de la Bretagne. Les forces nécessaires lui furent données, et la terreur les précédait. Agricola, afin d’épouvanter les esprits de ces nouvelles nations par la lenteur même de sa marche, alla, à petites journées, placer son infanterie et sa cavalerie dans leurs quartiers d’hiver. En même temps la flotte, secondée par les vents et par la renommée, atteignait déjà le port de Trutule, d’où elle était revenue, après avoir longé toute la côte voisine de la Bretagne.

XXXIX. Le récit de ces événements, quoique Agricola dans ses lettres n’y joignît aucune expression orgueilleuse, fut reçu par Domitien, selon sa coutume, la joie au front, le tourment au cœur. Il lui restait le ressentiment des dérisions qui avaient accueilli naguère son faux triomphe de la Germanie, triomphe où des es-