Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/263

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d’après le caractère du prince. Cependant Agricola avait livré à son successeur la Bretagne tranquille et assurée ; et, dans la crainte que sa célébrité et l’affluence de ses amis ne rendissent son entrée trop remarquable, pour se soustraire à leur empressement, il se rendit de nuit dans Rome, de nuit dans le palais de Domitien, ainsi qu’il lui avait été prescrit : reçu avec un léger baiser et sans une parole, on le laissa confondu au milieu de la foule des courtisans. Depuis, Agricola, voulant tempérer par d’autres vertus l’éclat d’un nom militaire qui pèse au milieu des oisifs, se concentra entièrement dans la retraite et le repos : modeste en sa tenue, simple dans ses discours, il n’était accompagné que d’un ou de deux amis ; et le vulgaire, dont la coutume est d’apprécier les grands hommes à leur entourage, en voyant et en considérant Agricola, cherchait en lui sa renommée : peu de gens se l’expliquaient.

XLI. Fréquemment durant ces jours, accusé, en son absence, auprès de Domitien, en son absence il fut absous. L’origine de ces périls ne fut ni une délation ni le ressentiment d’aucune personne offensée, mais un prince ennemi de toutes les vertus, sa gloire de grand homme, et l’espèce d’ennemis la plus funeste, ceux qui le louaient : bientôt il survint dans la république des circonstances qui ne permirent plus de taire le nom d’Agricola. Tant d’armées en Mœsie et en Dacie, en Germanie et en Pannonie, avaient été perdues par la témérité ou la lâcheté de nos généraux ; tant de braves militaires, avec tant de cohortes, avaient été assaillis et faits prisonniers, que déjà ce n’étaient plus les limites de l’empire, et la rive d’un fleuve, mais les quartiers de nos légions et notre propre territoire qui étaient en question.