Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/323

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ils sacrifient, et qu’ils avouent être l’unique prix de tout leur labeur, ne sont pas aussi fidèles aux poètes qu’aux orateurs, parce que personne ne connaît les poètes médiocres, bien peu les excellens. Quand, en effet, la renommée des lectures lès plus intéressantes a-t-elle pénétré dans tout Rome, loin de s’étendre à travers tant de provinces ? quel est celui qui, venant ou d’Asie ou d’Espagne, je ne parle pas de nos Gaulois, en arrivant à Rome, s’enquiert du poète Saleius Bassus ? puis, s’il l’a recherché et aperçu une fois, il passe, il est satisfait comme s’il avait vu quelque peinture ou statue. Cependant il ne faut pas penser d’après mon discours que je veuille détourner de la poésie ceux auxquels la nature a refusé le génie de l’éloquence, si toutefois ils peuvent charmer par ce genre de travail leur oisiveté et confier leur nom à la renommée : je pense, au contraire, que toute l’éloquence et toutes ses parties sont sacrées et respectables ; et non-seulement votre cothurne ou l’éclat du vers héroïque, mais aussi la grâce du vers lyrique, les caprices de l’élégie, la verve mordante de l’ïambe, les jeux de l’épigramme et toutes les formes que revêt l’art de la parole, me semblent préférables à toute autre étude. Mais voici l’objet de mon débat avec toi, Maternus : Quand la nature t’a placé dans le sanctuaire même de l’éloquence, tu aimes mieux errer, et, parvenu au sommet, tu aspires à descendre. Si tu étais né en Grèce, où il est honorable de s’exercer aux jeux du gymnase ; si tu étais doué par les dieux de la force et de la vigueur de Nicostrate, je ne souffrirais pas que ces bras puissans et formés pour la lutte s’amollissent à lancer un disque ou un léger javelot : de même aujourd’hui, du théâtre et des salles de lecture, je t’appelle