Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/331

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Auguste, ni des applaudissemens du peuple romain : témoin les lettres d’Auguste, témoin le peuple même qui, entendant au théâtre les vers de Virgile, se leva tout entier, et offrit à Virgile, par hasard spectateur et présent, ses témoignages de vénération comme à Auguste même. Et, de nos jours, Pomponius Secundus le cède-t-il à Domitius Afer, soit par la dignité de sa vie, soit par la renommée qui se perpétue avec son nom ? En effet, Crispus et Marcellus, dont vous me rappelez les exemples, qu’ont-ils de si désirable en leur fortune ? est-ce parce qu’ils craignent ou sont à craindre ? est-ce parce que chaque jour on les prie, en maudissant leurs services ? est-ce parce que, enchaînés à l’adulation, ils ne paraissent jamais assez serviles au pouvoir, jamais à nous assez indépendans ? Quelle est donc cette puissance si haute ? pouvoir autant que peuvent des affranchis. Pour moi, veuillent les Muses, si pleines de douceur, comme le dit Virgile, m’éloigner et des soucis et des inquiétudes, et de cette nécessité de faire chaque jour quelque chose contre ma pensée ! qu’elles me transportent à leurs fontaines, en des retraites sacrées ! Je n’irai pas, tremblant, faire épreuve de ce barreau si glissant, si fou, ni de cette renommée au teint pâle ; les frémissemens des salutations, l’affranchi haletant, ne m’éveilleront pas ; je ne ferai pas, incertain de l’avenir, un testament pour sauver mon patrimoine ; je n’aurai pas tant de biens, que je ne puisse les laisser à qui je voudrai, quand mon jour suprême viendra : alors, mon image sera gravée sur ma tombe, nçm pas triste et fière, mais joyeuse, avec une couronne, et, pour consacrer ma mémoire, il lie faudra ni enquête ni supplications.