Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/345

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veau genre, mais par système et par combinaison. Car il découvrit, comme je disais peu auparavant, qu’il fallait modifier les formes et les genres de l’éloquence suivant l’esprit des temps et le changement d’auditeurs. Ce premier public, encore rude et ignorant, supportait facilement les longueurs des harangues les plus embrouillées, et c’était un motif de louange pour l’orateur que d’être un jour entier à parler. Alors donc les longues préparations de l’exorde, le fil de la narration repris de très-haut, ce luxe de divisions multipliées, ces mille degrés d’argumens, et tout ce qu’enseignent les livres si arides d’Hermagoras et d’Apollodore, étaient en honneur ; et si quelque orateur avec une odeur de philosophie en imprégnait certains endroits de son discours, 011 l’exaltait jusqu’aux cieux. Et ce n’est pas merveilleux ; car ces choses étaient nouvelles et inconnues, et très-peu de ces orateurs mêmes connaissaient les préceptes indiqués par les rhéteurs et les philosophes. Mais, grands dieux ! tout cela est tellement vulgaire aujourd’hui, que, dans une assemblée, à peine assiste-t-il une personne qui n’ait été sinon imbue, du moins instruite de ces élémens d’étude : il faut donc à l’éloquence des routes nouvelles et choisies, pour que l’orateur évite de rebuter ses auditeurs, surtout devant des juges qui procèdent par autorité et par force, et non par droit et par les lois ; qui ne se soumettent point au temps que demandent les audiences, mais le fixent ; qui ne croient pas devoir attendre qu’il plaise à l’orateur d’en venir enfin à son affaire, mais souvent l’avertissent, le rappellent s’il s’écarte, et déclarent qu’ils sont pressés.