Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/351

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choses, il a fait en éloquence moins que ne le demandait son divin génie. Et laissons, grands dieux ! laissons Brutus à sa philosophie ; car il fut dans ses oraisons au dessous de sa réputation : ses admirateurs mêmes en conviennent. Et, sans doute, personne ne lit les plaidoyers de César pour Decius le Samnite, ni ceux de Brutus pour le roi Dejotarus, ni tant d’autres œuvres tièdes et languissantes, si ce n’est quelque admirateur de leurs poésies ; car César et Brutus ont aussi fait des vers, et les ont placés dans les bibliothèques publiques : poètes aussi faibles que Cicéron, mais plus heureux, parce que moins de personnes ont su qu’ils le furent. Asinius aussi, quoique né à une époque moins éloignée, me paraît avoir étudié parmi les Menenius et les Appius. Il rappelle certainement Pacuvius et Accius, non-seulement dans ses tragédies, mais même en ses discours : tant il est dur et sec. Or, le discours est ainsi que le corps humain, dont la beauté ne consiste pas en veines apparentes, en os que l’on compterait, mais dans un sang pur et tempéré qui remplit les chairs et les anime, dans un coloris qui recouvre les nerfs, et dans la grâce qu’il déploie. Je ne veux point m’attaquer à Corvinus, puisqu’il n’a point dépendu de lui qu’il n’exprimât l’enjouement et le brillant de notre époque ; nous pourrions voir jusqu’à quel point la force de son âme et de son génie a secondé son jugement.

XXII. J’en viens à Cicéron, qui eut avec ses contemporains le débat que j’ai avec vous-mêmes. Car ils admi-