Page:Tailhade - Discours pour la paix.djvu/16

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Mais au Moyen-Âge, c’est dans les cloîtres qu’il faut chercher les Amants de la Paix, les esprits généreux qui préparent la réconciliation des hommes, l’avènement de la douceur.


Au xiiie siècle, François d’Assise convie au banquet, non seulement les hommes, ses frères, mais la nature entière, les êtres que la métaphysique d’alors prétendait inanimés. Son cœur déborde, ruisselle de tendresse, il en épanche les effluves avant les terzines de Dante, avant le noir poème du Gibelin proscrit, le séraphique trouvère, le padre Francesco, fait entendre à la tragique Italie, aux républiques sanguinaires, aux princes meurtriers, un cri d’amour si violent, si tendre, qu’il vibre encore et chante dans nos cœurs.

Mais l’idylle ombrienne, le suave épisode, les disciples d’Assise marchant sur les traces du maître, comme jadis les pêcheurs de Galilée suivaient leur jeune dieu, épousant, au milieu des transports, des hymnes d’allégresse, une joyeuse Pauvreté, ce clair printemps de l’Italie au xiiie siècle est bientôt fané.

Un âge de fer se prépare où le meurtre et le dol, un mélange inouï de traîtrise et de férocité, de perfidie et de violence, vont couvrir de deuil, de ruines et de honte, les peuples d’Occident. Le xive siècle est une des plus sombres minutes de l’histoire. Pestes, famines, deuils, embuscades, l’Église déchirée, impuissante, au milieu de tant de crimes et d’horreur, la seule force morale qui subsiste encore, diminuée par le schisme, par le scandale du Temple et surtout par les mœurs infâmes du clergé, par la simonie et l’usure, par l’avarice effrénée, hurlante de cette louve papale que Dante nous montre « chargée dans sa maigreur, de toutes les avidités, ayant déjà contraint les peuples à vivre misérables. »

C’est alors, dans ce temps odieux, taché de boue et de poison, de sanie et d’ordure, où le sang jaillit, ruisselle, tombe à flots, épanché par des mains scélérates, c’est alors que, parmi les guerres civiles, au bruit des armes, aux appels de haine poussés par les factions qui plantent leur étendard en face du palais, criant tour à tour popolo ou liberta, cependant que blancs et noirs, Guelfes et Gibelins, échangent leurs revendications, combattent à tour de rôle, tantôt avec le peu-