Page:Tailhade - Discours pour la paix.djvu/18

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de précieux tableaux. L’image seule de la bienheureuse en est absente. Nous ne savons rien de son aspect, ni de son extérieur, comme si la personne physique avait disparu, s’était fondue, en quelque sorte, aux creusets de l’amour divin.

Ni Paolo Cagliari, ni Titien, ni Rubens, ni Van Dyck, peintres souverains, ni Martin de Voos, ni Mignard, ni Sébastien Bourdon, ni moins encore le faible Vanini ou le pompeux Brizzio, n’ont gardé quoi que ce soit de l’âme enchanteresse. Pour les uns, c’est une patricienne couronnée de perles, vêtue de brocarts ou de lampas qui, dans un cortège de Sénateurs et de Magnifiques, s’avance à la rencontre du Bambino. Portés sur un char de nuages entre les piliers corinthiens que drapent des courtines de pourpre, des anges en arroi de fête, sur le théorbe et l’archiluth, célèbrent le spozalizio. Pour les autres, la sainte, mourant d’amour, accueille le Bien-aimé, avec l’une de ces attitudes emphathiques, avec ces gestes de ballet, chers au xviie siècle dans la peinture dévote et les images de sainteté.

Mais plus fortement qu’un authentique portrait ou même qu’un traité sur le pacifisme, le rôle joué par Catherine, dans cette époque féroce et déloyale, nous la fait ressemblante, nous montre, sous un visage de lumière son noble esprit et son grand cœur.

Elle nous apparaît comme Béatrice à la porte du Paradis « sous un voile blanc, ceinte d’olivier, couverte d’un manteau pers et d’une couleur de flamme, tandis que le voile qui descend de sa tête ne la laisse pas apercevoir avec netteté ».

Entre sa hantise divine et les réalités quotidiennes, la cloison demeure étanche absolument. Elle négocie, elle organise, elle redresse avec une précision incomparable. Elle ramène Urbain, elle transfère d’Avignon le Saint-Siège à Rome ; elle déchire le pacte de Bertrand de Goth, qui asservissait le pape au roi de France. Elle se charge, par deux fois, d’une ambassade à Florence ; elle réconcilie avec l’Église la Seigneurie ; elle donne, dans la peste de 1353, les plus hauts exemples de courage civique et de dévouement.

Qu’importent les querelles, qu’importent les meurtres, les vengeances, les représailles, le souvenir de Manfred, arraché de sa tombe et jeté aux corbeaux par la haine de Clément IV, les coups de poignard, les