Page:Tailhade - Quelques fantômes de jadis (1920).djvu/12

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arbres, le long des parterres épanouis, avait conduit si souvent par la main sa détresse et fait asseoir sa pauvreté : mais, à présent, nimbé de gloire, échappé aux outrages de la vie, aux misères du tombeau, cependant qu’à travers les rayons adoucis du crépuscule, dans la lumière d’or que l’approche du soir atténue et colore, éployant le frisson de leur aile satinée, un vol de colombes, gris et rosé, venait, emblème de paix, de réconciliation et d’amour, se poser sur la pierre immortelle et désormais sacrée.

Or, ce défunt obscur, ce trimardeur scandaleux, compagnon des maritornes et des mauvais garçons, maintenant apparu dans un marbre où son génie inspirateur, guidant la main filiale de l’artiste magnanime, assume dorénavant une vie éternelle d’apothéose et de splendeur ; ce malade incorrigible, ce pilier de tavernes, dont le buste s’érige pour le Paris studieux en ce Luxembourg mélancolique et beau où vinrent s’asseoir nos premiers rêves ; ce mendiant près de qui veille maintenant l’Ange propice de la Gloire, ce vagabond devenu dieu, ce rôdeur, ce pauvre,