Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/150

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place. Cette partialité est pourtant excusable, elle est même naturelle ; une chose est toujours parfaite aux yeux de celui qu’elle transporte : l’amant qui aime passionnément voit-il quelque défaut dans l’objet de son amour ?

En parcourant une galerie de tableaux, lorsqu’une fois on a été vivement touché par les beautés d’un ouvrage de l’Apelle moderne, on est bien refroidi sur ceux de presque tous les autres peintres ; ce qu’on avoit admiré un instant avant ne fait plus aucune sensation ; et tout ce qui n’est qu’ordinaire et mortel est repoussé par un esprit rempli de beautés célestes : n’en doutons point, le plaisir que nous fait éprouver l’image de la noblesse, du sentiment et de la grâce est au-dessus de toutes les autres jouissances que peuvent nous procurer les arts.

Jeunes enthousiastes ! vous croyez pouvoir faire des tableaux ressemblans à ceux de Raphaël, en les imitant, en les dessinant long-temps et scrupuleusement ; vous vous trompez ; vous ne serez ainsi que des copistes obscurs ; élevez-vous, si vous pouvez, à la hauteur de son génie ; sentez, comme lui, la nature d’une manière sublime, et vous nous entraînerez, vous nous transporterez comme lui.