Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/20

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instinct heureux plutôt que sa science lui faisoit imiter la nature ; ce fut ce puissant instinct qui le fit s’écrier en voyant les tableaux de Raphaël : « Anch’ io son pittore ; et moi aussi je suis peintre. » Oui, tu l’es, homme divin, et tu ne le serois pas davantage, quand tu aurois vu plus tôt ces prodiges qui t’apprennent à te rendre justice.

Il n’est peut-être pas aisé de déterminer jusqu’à quel degré la science est nécessaire dans les beaux-arts ; ce qu’on peut assurer, au moins, c’est qu’elle ne doit être que l’instrument du génie, et qu’il faut qu’elle soit en proportion de ses forces. Les armes trop pesantes des guerriers servent mal leur courage, et nuisent à leurs victoires. La science trop profonde embarrasse, arrête, accable le génie, et nous ne sommes jamais grands par ce que nous savons, mais par ce que nous sentons.

Les caractères très-distinctifs du talent du Corrège sont la grâce, une extrême intelligence du clair-obscur et une originalité parfaite. On sent bien qu’avec son espèce de sentiment d’imiter la nature, et son pinceau si flatteur et si doux, il devoit mieux peindre les chairs que les draperies, et bien mieux