Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/203

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entre eux ; ils montent à la corde, au trapèze ; ils se font des tours ; ils sautillent comme de jeunes chiens ou des lapins. Les sergents, le lieutenant sont obéis à l’instant, sans bassesse, sans mauvaise humeur. L’officier est le chef naturel, celui que le peuple respecte et écoute de lui-même, sans difficulté. — Rien de plus juste que cette caricature : pendant une de nos révolutions, un petit jeune homme de l’École polytechnique place un énorme portefaix ou boucher en sentinelle et lui donne sa consigne : « Bien, mon officier, dit le colosse au joli nain, je m’en rapporte à votre expérience ». C’est une expérience d’un jour, mais le nain a l’épée et l’uniforme.

Par tout ce que je vois de l’armée, l’organisation est admirable ; économie, régularité, prévoyance, magasins, marchés, chaque homme utilisé dans son métier, l’un boulanger, l’autre bottier, l’autre cuisinier ; tous apprenant l’honneur, l’obéissance, beaucoup apprenant à lire, à écrire, à chanter, chacun exercé et dégourdi par la gymnastique, les voyages, la conversation ; c’est l’éducation du peuple.