Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/207

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sucré ; un pauvre diable boit du vin pur, sain, franc, qui l’égaie, et nul ne se grise. Cela fait compensation à bien des choses et cela suffit pour déterminer l’idéal. Un Norvégien, un paysan du Lancaster n’a pas l’idée d’une pareille sensation ; au lieu de la grappe savoureuse et sucrée, il a, au mieux, la bière, l’eau-de-vie, le roastbeef, toutes sensations fortes, simples moyens de se remplir et de se réchauffer. Il ne peut pas concevoir le plaisir. Ce sont de petites différences élémentaires comme celles-là, qui font les grandes différences ultérieures ; l’idéal devient autre. — Quand pour la première fois les Gaulois eurent goûté le vin et le raisin, ils partirent en troupe pour l’Italie.

Cela est bien marqué encore dans la comparaison des paysages. Hier, en approchant de Cette, nous ne pouvions pas nous lasser de regarder. Le chemin traverse des lagunes, la mer est à droite, de grands étangs salins s’allongent à gauche, parsemés de bancs de sable, de pyramides de sel. Ces pyramides d’un blanc vif tranchent sur les fonds bleuâtres avec un relief extraordinaire. Tout à l’entour à perte