Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hôtel. Cela remplit d’idées sérieuses et nobles ; on prend la vie comme une riche décoration, comme un habit de velours brodé qui sied bien et qu’on est content de porter. — Mais le chef-d’œuvre est la promenade ; un grand et beau parc, point trop anglais, point trop soigné.

Je n’ai rien vu des alentours ; je suis resté tout le temps assis à mon métier. Je me promenais de temps en temps pendant les intervalles d’examens dans la cour du collège, regardant le bleu du ciel entre les feuilles jaunies qui tombent.

L’herbe pousse dans les rues de Nancy. Le soir à huit heures, on aperçoit çà et là une lumière et partout une grande ombre inanimée. C’est une espèce de Versailles ; on y est bien pour mener la vie de famille. Peut-être notre vie de Paris est-elle contre nature. Peut-être est-ce un excès, une monstruosité continue que de vivre comme nous le faisons, de tête, occupés par des projets de livres, amusés de temps en temps par un dîner en ville, une soirée, une conversation au journal. Mais on ne peut se refondre, quand on a vingt ans d’habitude dans