Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/281

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qu’on puisse voir la mer. — Pas un arbre ; les genêts, les ajoncs sont hauts comme la main. On a essayé des sillons pour faire croître des arbustes dans leurs creux : rien n’est venu. De loin en loin, derrière une hauteur, on aperçoit un sapin haut d’un pied et demi. — L’éternel vent de la mer raplatit ou rase toutes les plantes ; une steppe n’est pas plus désolée.

Enfin, à l’isthme apparaît la double mer : l’une à l’orient, d’un bleu intense, le plus riche et le plus fort qu’on puisse imaginer, immobile, l’autre à l’occident, écumeuse et déversée contre le bord en vagues incessantes : on l’appelle la mer sauvage. Elle luit, glauque et miroitante à l’infini, coupée çà et là d’îlots rugueux et noirâtres. En approchant de la côte, sur les algues, elle se gonfle en lames violettes, de la teinte la plus magnifique et la plus nuancée, frangées d’argent à la cime et retombant en volutes sous la pluie de rayons qui les traverse. Par elle, toute la côte semble se tresser une opulente couronne de violettes fauves et d’argent bruni. Les paillettes de talc scintillent par