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Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/323

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de rayons, et sous cette bande d’azur triomphant qui là-haut fait arcade, les maisons semblent une boue collée et recuite par les coups de soleil. Rien de terne comme ces parois grises, incrustées de poussière ancienne, percées de rares fenêtres, couvertes de tuiles pâles.

À Arles, comme à Avignon, tout est italien ; nous avons une France qui n’est pas la France. Les rues en pente escarpée, le soir, à peine éclairées à la longue distance d’une lumière vacillante, sont pareilles à celles de Rome et de Pérouse ; longs boyaux obscurs, étranges, tortueux, sortes de couloirs pleins de ténèbres inquiétantes ; le ruisseau au milieu dégringole sur les pierres pointues, et de loin reflète sur sa noirceur une lumière horrible. Partout des coins, des angles mornes et déserts ; d’autres ruelles toutes bruissantes, comme d’une ruche qui va sortir ; les femmes et les hommes à l’entrée de leurs corridors ; semblables à des ombres et faisant rouler à voix basse leur langage sonore ; çà et là, à mesure qu’on passe, un amas de têtes entrevues, l’étrangeté d’un taudis où le pêle-mêle des meubles tremblote