Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/52

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pas. » — La religion ainsi entendue est-elle autre chose qu’une crainte plus forte ? L’idée de la justice absolue entre-t-elle dans ces esprits-là ?

Près du Thabor, grande chapelle ; la Vierge est sur l’autel avec l’enfant Jésus, tous deux couronnés ; elle est vraiment la reine et la déesse. Parfois il semble que le catholicisme soit un polythéisme retourné, dans lequel, au lieu d’êtres forts, on adore des êtres malheureux et tendres.

Peu à peu le type se dégage ; il y en a un, visible surtout chez les paysannes, les petites filles, les jeunes filles au marché. Point de beauté régulière, de santé ni de belles pousses ; quelque chose de grêle, de souffreteux, de pâlot, d’un peu écrasé. — Mais dans plusieurs jeunes filles, cela produit des expressions admirables. La virginité parfaite, celle des sens et de l’âme, une sensibilité exquise, une délicatesse charmante, prête à souffrir par son trop-plein, une suavité étrange. On pense à ce mot indien : « Ne frappez pas une femme, fût-ce avec une fleur. » La beauté est en dedans, l’âme semble refoulée, résignée, toute frêle, d’une douceur infinie. J’ai