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Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/80

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l’artiste, de l’écrivain est tout autre. Il a joui, produit, fait œuvre d’homme pendant le jour : il lui faut le repos du soir.

J’étais trop las, je n’ai rien vu ici, ni en voiture depuis Tours, sauf des formes brouillées, vagues, infiniment touchantes et tristes le soir et la nuit, et ce riant pays de Ruelle. Des vignes sur toutes les collines, et, dans les fonds, des prairies étincelantes ; des eaux claires de sources richement épandues, avec des joncs, des herbes aquatiques pullulantes, des peupliers sur tous les bords et une étrange teinte d’émeraude à l’ombre, sous les flèches du soleil qui glissent et la brisent, çà et là des éclairs sur les remous. À l’horizon, des toits presque plats en tuiles pâles, des moulins jetés au hasard, une église ancienne avec un vieux village pittoresque comme en Italie, au-dessus de la source bleuâtre, transparente, qui sort d’un gouffre.

Je suis déjà venu deux ou trois fois à Bordeaux ; j’ai vu et décrit le fleuve et l’admirable