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PRÉFACE 3

sions et souvenirs les plus particuliers jusqu’aux juge- ments et axiomes les plus universels. Dans cette recherche, la conscience, qui est notre principal instrument, ne suffit pas à l’état ordinaire ; elle ne suffit pas plus dans les recherches de psycho- logie que l’œil nu dans les recherches d’optique. Car sa portée n’est pas grande ; ses illusions sont nom- breuses et invincibles ; il faut toujours se défier d’elle, contrôler et corriger ses témoignages, presque par- tout l’aider, lui présenter les objets sous un éclairage plus vif, les grossir, fabriquer à son usage une sorte de microscope ou de télescope, à tout le moins dis- poser les alentours de l’objet, lui donner par des oppositions le relief indispensable, ou trouver à côté de lui des indices de sa présence, indices plus visibles que lui et qui témoignent indirectement de ce qu’il est. En cela consiste la principale difficulté de l’analyse. — Pour ce qui est des pures idées et de leur rapport avec les noms, le principal secours a été fourni par les noms de nombre et, en général, par les notations de l’arithmétique et de l’algèbre ; on a pu ainsi retrou- ver une grande vérité devinée par Gondillac et qui depuis cent ans demeurait abattue, ensevelie et comme morte, faute de preuves suffisantes. — Pour ce qui est des images, de leur effacement, de leur renais- sance, de leurs réducteurs antagonistes, le grossisse^ ment requis s’est rencontré dans les cas singuliers et extrêmes observés par les physiologistes et par les médecins, dans les rêves^ dans le somnambulisme et