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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


nistres sont pareils. En 1789, le chancelier a 120 000 livres d’appointements, le garde des sceaux 135 000 ; « M. de Villedeuil, comme secrétaire d’État, devait avoir 180 670 livres, mais il a représenté que cette somme ne couvrait pas ses dépenses, et son traitement a été porté à 226 000 livres tout compris[1] ». D’ailleurs la règle est que, lorsqu’ils se retirent, le roi leur fait une pension de 20 000 livres et donne 200 000 francs de dot à leur fille. — Ce n’est pas trop pour leur train. « Ils sont obligés de tenir un si grand état de maison, qu’ils ne peuvent guère s’enrichir dans leur place ; ils ont tous table ouverte à Paris au moins trois fois par semaine, et à Versailles, à Fontainebleau, table ouverte tous les jours[2]. » M. de Lamoignon étant nommé chancelier avec 100 000 livres d’appointements, on juge tout de suite qu’il se ruinera[3] ; « car il a pris tous les officiers de cuisine de M. d’Aguesseau, dont la table seule allait à 80 000 livres. Le repas qu’il a donné à Versailles au premier conseil qu’il a tenu a coûté 6 000 livres, et il lui faut toujours à Versailles et à Paris une table d’environ vingt couverts ». — À Chambord[4], le maréchal de Saxe a tous les jours deux tables, l’une de 60, l’autre de 80 couverts, 400 chevaux dans ses écuries,

    salines, et 80 000 livres de rente sur la compagnie qui a le privilège d’affiner les métaux précieux. »

  1. Compte général des revenus et dépenses fixes au 1er  mai 1789, 633. — Notez qu’il faut doubler tous ces chiffres pour avoir leur équivalent actuel.
  2. Mme de Genlis, Dictionnaire des Étiquettes, I, 349.
  3. Barbier, Journal, III, 211 (déc. 1750.)
  4. Aubertin, l’Esprit public au dix-huitième siècle, 255.