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LE RÉGIME MODERNE


légiés qu’on reconnaissait à leurs talons rouges ou à leurs souliers à boucles d’argent ; depuis la Révolution, il y avait en France trois ou quatre cent mille privilégiés qu’on reconnaissait à leur bonnet rouge et à leur carmagnole. Privilégiés entre tous, les trois ou quatre mille nobles vérifiés, présentés et d’antique race qui, en vertu de leurs parchemins, montaient dans les carrosses du roi, avaient eu pour successeurs les trois ou quatre mille jacobins de nouvelle pousse, non moins vérifiés et présentés, qui, en vertu de leur brevet civique, siégeaient au club de la rue Saint-Honoré ; et la seconde coterie était encore plus dominante, plus excessive, plus partiale que la première. — Par suite, avant la Révolution, le poids de l’impôt était léger pour les gens riches ou aisés, accablant pour les paysans ou le menu peuple ; au contraire, depuis la Révolution, les paysans, le menu peuple, ne payaient plus l’impôt[1], et aux riches, aux gens aisés, le gouvernement prenait tout, non seulement leur revenu, mais aussi leur capital. — D’autre part, après avoir nourri la cour de Versailles, le Trésor public nourrissait la plèbe de Paris, bien plus dévorante ; et de 1793 à 1796, l’entretien de cette plèbe lui coûtait vingt-cinq fois autant que, de 1783 à 1786,

  1. La Révolution, tome IV, 134 à 143. — Stourm, les Finances de l’ancien régime et de la Révolution, I, 171 à 177. — (Rapport de Ramel, 31 janvier 1796.) « On aurait de la peine à le croire : les propriétaires fonciers doivent aujourd’hui au Trésor public plus de 13 milliards. » — (Rapport de Gaudin, germinal an X, sur l’assiette et le recouvrement des contributions directes.) « Cet état de choses constituait un déficit annuel permanent de plus de 200 millions. »