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L’ÉCOLE

Bien entendu, sur les publicités dont l’influence est émouvante ou persévérante, l’inspection est encore plus rigoureuse et plus répressive. — Au théâtre, où les spectateurs assemblés s’échauffent par la contagion prompte de leurs impressions sensibles, la police coupe, dans Héraclius de Corneille, dans Athalie de Racine[1], des douze et vingt-cinq vers de suite, et, soigneusement, par d’autres vers ou demi-vers de son cru, recolle, tant bien que mal, les morceaux cassés. — Sur la presse périodique, sur le journal qui s’est fait une clientèle, exerce une propagande et groupe ses abonnés autour d’une opinion, sinon politique, du moins philosophique et littéraire, la compression va jusqu’à l’écrasement. Dès le commencement du Consulat[2], sur soixante-treize journaux politiques, soixante ont été supprimés ; en 1811, les treize subsistants sont réduits à quatre, et les

  1. Welschinger, 223, 231, 233. (L’exemplaire d’Athalie, avec les ratures de la police, figure encore aujourd’hui dans la bibliothèque du souffleur de la Comédie-Française.) — Ib., 244 (Lettre du secrétaire général de la police aux semainiers du Théâtre-Français, 1er février 1809, à propos de la Mort d’Hector, par Luce de Lancival). « Messieurs, Son Excellence le sénateur ministre m’a expressément chargé de vous inviter à faire retrancher de la scène d’Hector les deux vers suivants :

    « Déposez un moment ce fer toujours vainqueur,
    Cher Hector, et craignez de lasser le bonheur. »

  2. Ib., 13 (Arrêté du 17 janvier 1800). — Ib., 117, 118 (Arrêtés du 18 février 1811 et du 17 septembre 1813). — Ib., 119 et 129. (Nulle indemnité aux propriétaires légitimes : le décret de confiscation pose en principe que les produits des journaux ne peuvent devenir une propriété qu’en vertu d’une concession expresse faite par le souverain, que cette concession n’a pas été faite aux fondateurs et propriétaires actuels, et que partant leur prétendu droit est nul.)