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L’ÉCOLE


cale, et résidents à demeure pendant beaucoup d’années quelquefois même pendant toute leur vie, ils s’ingénient pour ne pas heurter les répugnances profondes des adolescents et des familles ; à cet effet, ils s’arrangent entre eux et avec les parents[1]. — Voilà pourquoi, hors de France, l’internat français, si artificiel, si forcé, si exagéré, est presque inconnu. En Allemagne, dans les gymnases qui correspondent à nos lycées, c’est à peine si, sur cent élèves, dix sont pensionnaires, logés et nourris dans le gymnase ; les autres, même quand leurs parents n’habitent point à portée, restent externes, hôtes privés d’une famille qui se charge d’eux, souvent à très bas prix, et remplace pour eux la famille absente. Il n’y a d’internes que dans quelques gymnases comme Pforta, et en vertu d’une vieille fondation ; mais, en vertu de la même fondation, leur nombre est limité ; ils dînent, par groupes de huit ou dix[2], à la table des professeurs logés

  1. Bréal, Quelques mots, etc., 281, 282. De même en France, « avant la Révolution…, sauf dans deux ou trois grandes maisons de Paris, le nombre des élèves était généralement assez restreint… Le nombre des pensionnaires à Port-Royal n’a jamais dépassé 50 à la fois. » — « Avant 1764, la plupart des collèges étaient des externats comprenant de 15 à 80 élèves », outre des boursiers et des pensionnaires payants assez peu nombreux. — « Une armée d’internes qui comprend plus de la moitié de notre bourgeoisie, une discipline réglée et surveillée par l’État, des maisons comprenant jusqu’à sept ou huit cents pensionnaires, voilà ce qu’on chercherait vainement ailleurs, et ce qui est essentiellement propre à la France contemporaine. »
  2. Id., ibid., 287. — Ib., Excursions pédagogiques, 10. « J’ai pris part (avec ces élèves), dans la chambre du célèbre latiniste Corssen, à un souper plein d’entrain et de gaîté, et je me souviens du sentiment qui me saisit quand je revis, par la pensée, les repas que nous faisions en silence à Metz, au nombre de


  le régime moderne, III.
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